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Hockey sur glace - Ligue Magnus
ROUEN : LES SECRETS DE L’ÎLE LACROIX
 
Depuis plus de quarante ans Tristan Alric a été l’acteur et le témoin privilégié de l’évolution du hockey sur glace en France. D’abord comme joueur puis comme arbitre. Ensuite, en devenant le journaliste spécialiste du hockey sur glace dans le quotidien sportif L’Equipe pendant plus de vingt ans. Auteur de nombreux livres et d’une récente encyclopédie qui font référence, Tristan Alric a marqué également l’histoire du hockey français en étant le créateur de la Coupe Magnus et des divers trophées individuels. Avec un tel parcours, il est donc bien placé pour avoir une analyse pertinente sur notre sport favori. Le site Hockey Hebdo est donc heureux de lui permettre de s’exprimer régulièrement dans cette rubrique.
 
Média Sports Loisirs, Hockey Hebdo Tristan Alric le 03/07/2020 à 11:30
Tribune N°9


Depuis 1990, le club de Rouen a réussi l’exploit impressionnant de remporter à quinze reprises la Coupe Magnus. Cela fait donc une moyenne d’un sacre tous les deux ans ! Autant dire que l’île Lacroix, sur laquelle se trouve la patinoire normande, est devenue en trente ans le nouveau « sanctuaire » du hockey sur glace français. Elle a pris la succession de l’ancien « temple » situé dans la vallée de Chamonix. Les milliers de supporters qui passent régulièrement le pont Corneille à Rouen pour venir soutenir leurs équipes favorites, ne connaissent sûrement pas tous les secrets de cet ilot de terre situé au milieu de la Seine sur lequel les « Dragons » ne cessent de faire fondre la glace. Pour ceux qui n’ont pas uniquement le hockey sur glace comme culture et qui aiment s’instruire pendant l’été, voici quelques rappels historiques concernant ce lieu emblématique de notre sport.
 
Sur le fleuve de la Seine, long de 775 kilomètres, on trouve de nombreuses petites îles comme par exemple l’Île Saint-Louis à Paris, l’île Seguin à Boulogne-Billancourt ou encore l’île Ligard à Belbeuf. Mais, il faut savoir qu’à Rouen l’île Lacroix est la dernière avant que le fleuve se jette dans la Manche. Les habitants de Rouen l’ont d’abord appelé « L’île Bras-de-Fer » car elle était sujette à des luttes pour l’acquisition de quelques rares terrains agricoles. Puis, plus tard, on l’appela « Île de la Mouque » que l’on peut traduire par populace en patois, car des voyous en avaient fait leur repère. C’est seulement en 1798 qu’elle a pris le nom définitif de « L’Île Lacroix » pour faire référence à une grande croix de fer qui fut érigée à cette époque à son extrémité.
 
Pendant longtemps l’île Lacroix ne fut qu’un banc de sable désertique fréquemment submergé par des crues. Pour y accéder, on y allait uniquement en barque. Mais, en 1810, Napoléon Bonaparte est venu visiter la ville de Rouen et décida de construire un pont pour relier cette île aux deux rives du fleuve. C’est ainsi que le « Pont Corneille » fut construit en 1829 selon la volonté de l’empereur. Les premières habitations de l’ilot ont été construites pendant les années qui suivirent. Après l’édification du pont, une rue centrale fut créée ce qui permit à un nouveau quartier de prendre forme. En effet, autour de cet axe plusieurs autres voies furent tracées au bord desquelles des cafés et des restaurants furent rapidement ouverts renforçant ainsi l’attractivité du nouveau quartier de l’île. En 1848, une grande bâtisse surnommée « Château Baudet » fut inaugurée qui devint rapidement un endroit très populaire car on y organisait des fêtes et des banquets mondains de la haute société rouennaise. C’était le lieu à la mode où il fallait se montrer !
 
C’est ainsi que peu à peu, au milieu du fleuve, l’île Lacroix a acquis une réputation d’endroit très festif. D’autant que durant plusieurs années divers spectacles de music-hall et d’opérettes se sont succédés dans une salle de 1400 places qui avait pris pour nom un peu kitch « Les Fantaisies Lyriques ». Mais il faut souligner que l’activité la plus importante sur l’île Lacroix fut une impressionnante usine à gaz, construite en 1845, qui produira pendant un siècle du gaz d’éclairage par la distillation du charbon. Une autre usine située sur l’île produira également la célèbre « Eau de javel Lacroix » dans la rue du Commerce.
 
Toutefois, lors de la seconde guerre mondiale, l’île Lacroix se retrouva totalement isolée. En effet, le 8 Juin 1940, les Allemands entrèrent dans la ville de Rouen et décidèrent de faire sauter tous les ponts qui enjambaient la Seine. Les habitants de l’île Lacroix se retrouvèrent du coup reclus et cette situation dura pendant de longues années. En attendant, des ponts provisoires ont été aménagés pendant le conflit puis à la Libération. On a construit notamment une passerelle en 1940 qui permettait uniquement le passage des piétons, des vélos et des véhicules légers pour aller sur la rive droite. Mais pour aller sur la rive gauche du fleuve depuis l’île, il fallait emprunter un petit bateau. Ce n’est qu’en 1952 qu’un nouveau pont en dur fut construit permettant de recréer enfin un lien solide entre les habitants de l’île et le reste de la ville. On notera que le pont Corneille a la particularité de ne pas être rectiligne sur toute sa longueur mais possède un angle lui donnant ainsi la forme d’un accent circonflexe. 
 
Pour l’anecdote, avant que l’ancien pont soit détruit par les artificiers de la Wehrmacht, au milieu du pont il y avait une statue de Pierre Corneille, le célèbre poète natif de Rouen. Cette statue était donc devenue une véritable fierté pour les habitants de l’île. Or, pendant la seconde guerre mondiale, les Allemands ont menacé de la faire fondre. Pour empêcher cette destruction, les Rouennais profitèrent du déplacement de la statue par les occupants pour mettre en place un dispositif volontairement trop léger pour pouvoir soulever ses 5 tonnes. C’est ainsi que, grâce à ce stratagème, la statue tomba dans la Seine et elle fut sauvée de la fonte ! A la libération, on remonta du fleuve la statue immergée de Pierre Corneille, mais au lieu de la remettre sur le pont de l’Ile Lacroix, la municipalité décida de la placer cette fois face au Théâtre des Arts.
 
Pour en venir maintenant à l’histoire du hockey sur glace sur l’île, il faut savoir que les habitants de Rouen avaient pris depuis longtemps l’habitude de faire du sport sur l’île Lacroix. Il y eut d’abord la création du Club Nautique et Athlétique de Rouen (le CNAR) qui, durant des décennies, organisa de nombreuses régates autour de l’ilot. En 1911, on inaugura aussi le « Grand Skating Rouennais », une grande salle où les Rouennais apprenaient à faire du patin mais à roulettes. C’est également sur l’île Lacroix que la manifestation des « 24 heures motonautiques » a vu le jour. Encore aujourd’hui, cet événement rassemble chaque année des dizaines de milliers de personnes.
 
L’histoire du club de hockey sur glace de Rouen a commencé un peu par hasard à la fin de l’année 1967 à l’occasion d’une foire exposition organisée sur l’Ile Lacroix. Un entrepreneur belge, qui s’appelait Jean-Jacques Calvé, profita de cet événement pour aménager une petite patinoire dans un bâtiment en bois situé au centre de cette île fluviale. Dans cette patinoire très rustique, il n’y avait aucun gradin, juste une piste de glace avec de simples bancs posés le long des murs. C’est dans ce contexte amical et festif très particulier que débuta donc l’histoire du grand club de Rouen. En effet, des habitués de la « baraque à Calvé » se découvrirent une passion commune pour le hockey sur glace, un sport qui était à cette époque pratiquement inconnu dans la ville de la Seine-Maritime. Pourtant, aujourd’hui ce sport est devenu une grande attraction locale. On connait la suite, le 27 décembre 1971 eut lieu enfin l’ouverture de la nouvelle patinoire de Rouen qui allait connaître plusieurs aménagements puis, plus tard, elle fut le théâtre de nombreux sacres.
 
Pour conclure l’histoire particulière de l’île Lacroix, voici une anecdote savoureuse. Le 13 novembre 1970, Marcel Bonnet, le DTN de la Fédération française des sports de glace, se déplaça à Rouen pour venir inspecter les travaux de la nouvelle patinoire en construction. Il était accompagné par François Salomon, le chargé des sports de la ville normande, qui supervisait sur place la finition de l’ouvrage. Or, sur le pont Corneille le cortège officiel, de retour d’un déjeuner, croisa plusieurs voitures de pompiers qui roulaient à vive allure toutes sirènes hurlantes. Un des officiels crut faire de l’humour en lançant à ses collègues : « J’espère que ce n’est pas pour la patinoire ! ». Aussi incroyable que cela puisse paraître, c’était justement le cas ! A cause de la maladresse d’un ouvrier, qui mit involontairement le feu à la toiture de la patinoire, elle fut ravagée par les flammes et elle dut être reconstruite ! C’est peut-être pour cette raison que les Dragons crachent désormais le feu…
 
 
 
 
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