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Hockey sur glace - Tribune libre de Tristan Alric
Hockey sur glace - 36 / SUCCÈS ET ÉCHECS DU HOCKEY FRANÇAIS
 
Estimant que l’heure est venue pour le hockey sur glace français de se remettre sérieusement en question à l’occasion des prochaines élections fédérales, Tristan Alric, créateur de la Coupe Magnus, partisan d’un nouveau choix stratégique, expose son bilan sans concession en soulignant à la fois les principaux succès et les échecs depuis plusieurs décennies.
 
 

Tribune N°36

 
-  SUCCÈS ET ÉCHECS DU HOCKEY FRANÇAIS -

Comme je l’avais annoncé dans ma tribune précédente intitulée « Quel avenir pour le hockey sur glace Français ? », je vais tenter de résumer quels furent les succès et les échecs de notre sport favori depuis plusieurs décennies en les séparant en deux parties distinctes. C’est un inventaire global, non exhaustif et sans parti pris, qui m’a convaincu de la nécessité d’une nouvelle grande réflexion sur les choix stratégiques à faire dans la perspective des élections fédérales qui auront lieu au mois de juin 2022.
 
Bilan positif
 
Dans le bilan positif du hockey sur glace français, je prends comme point de départ l’incroyable engouement que suscitèrent les Jeux olympiques d’hiver de Grenoble en 1968. Car c’est l’impact considérable de cet événement dans notre pays à l’époque qui permit la construction, au début des années 1970, d’une centaine de patinoires un peu partout en France. Du coup, ces nombreuses inaugurations permirent l’extension géographique du hockey sur glace dans plusieurs grandes villes de plaine après une longue période de confinement dans les stations de ski alpines où les clubs de hockey trustaient jusqu’ici tous les titres nationaux.
 
Puis, il y a eu l’accession de l’équipe de France dans le groupe B mondial en 1985. Une date charnière car elle marqua le début de « la grande marche en avant » qui permit un peu plus tard à la sélection tricolore d’évoluer dans l’élite planétaire. L’arrivée des Bleus dans la cour des grands s’est produite à Prague en 1992, juste après les Jeux olympiques d’hiver d’Albertville où la France a disputé un quart de finale historique contre les Etats-Unis. Elle fut suivie ensuite par une présence ininterrompue de la France dans les championnats du monde élite pendant neuf ans d’affilée à laquelle il ne faut pas oublier d’ajouter la participation à cinq tournois olympiques successifs entre 1988 et 2002. Une sacrée performance !
 
Lors de cette période faste pour le hockey sur glace français, l’autre point positif fut la véritable « idylle médiatique » dont bénéficia notre discipline car, malgré le nombre restreint de ses licenciés, elle suscita un intérêt bienveillant de toute la presse. Ensuite, après un court passage dans la Division 1 mondiale, l’équipe de France senior masculine a réussi, à partir de 2008, la nouvelle performance remarquable de rester pendant douze ans de suite cette fois, dans l’élite mondiale.
Une prouesse d’autant plus belle qu’il ne faut pas oublier que dans ce laps de temps le nombre de renforts formés à l’étranger présents dans la sélection tricolore avait été considérablement réduit, passant d’un total très important de onze en 1995 à seulement un seul en 2011 (Julien Desrosiers) pour ne prendre que de cette période de référence.
Entre-temps, il faut ajouter par ailleurs au tableau positif la création du championnat de France féminin en 1986 et de l’équipe nationale féminine cinq ans plus tard. Puis le pôle féminin créé à Chambéry et transféré ensuite à Cergy.
 
Mais l’événement le plus important dans le bilan positif fut incontestablement l’indépendance du hockey français survenue en 2006 avec la création de la fédération autonome (FFHG) puis l’installation de son siège à l’Aren’Ice de Cergy. Dès son émancipation, le hockey a bénéficié de surcroît de la constitution de véritables archives permettant de recréer sa « mémoire » avec comme point d’orgue le lancement du Temple de la Renommée.
Quant au nom « Ligue Magnus » désormais inchangé depuis 2004 comme dénomination du championnat de France élite, ce fut aussi une très bonne décision après les nombreux changements qui désorientaient jusque-là le public (Nationale 1, Ligue Elite, Super 16, etc…) par ailleurs la formule du championnat a été stabilisée. La création de la Coupe Magnus et son adoption officielle en 1985 a également doté ce championnat d’un trophée spectaculaire et emblématique.

Autre fait positif marquant à souligner : la finale de la Coupe de France à Bercy qui est devenue depuis 2006 un rendez-vous désormais traditionnel très populaire puisqu’elle fait le plein à chaque fois avec plus de 13000 spectateurs. Un événement à guichet fermé qui démontre le réel potentiel de notre hockey s’il n’y avait pas le problème de la contenance beaucoup trop réduite de nos patinoires actuelles ! A ce sujet, il faut noter positivement les inaugurations de nouvelles patinoires françaises avec notamment dans l’ordre : Courchevel et Meribel (1991), Albertville (1991),  Rouen (1992), Coliseum d’Amiens (1996), Vegapolis de Montpellier (2000), Polesud de Grenoble (2001), Iceberg de Strasbourg (2005), Marseille Grand-Est (2009), Vaujany (2012), Alp’Aréna de Gap (2012), Aren’ice de Cergy (2016), Nîmes (2017), enfin en 2019 un trio avec Michel-Raffoux de Dunkerque, Glacéo de Louviers et l’Iceparc d’Angers. J’ajoute comme autre initiative positive les deux Winter Games organisés en France qui ont réuni d’abord 19 767 spectateurs à Grenoble en 2013 puis 25 182 spectateurs à Lyon en 2016.
 
Dans le bilan positif, il ne faut pas oublier de mentionner également la création de la CNSCG pour un meilleur contrôle financier des clubs, mais aussi l’arrivée dans le célèbre circuit professionnel nord-américain de la NHL de sept hockeyeurs français à ce jour avec Philippe Bozon, Cristobal Huet, Stéphane Da Costa, Antoine Roussel, Pierre-Edouard Bellemarre, Yohann Auvitu et Alexandre Texier. Un rêve qui semblait pourtant inaccessible à l’époque pour nos joueurs ! N’oublions pas également de noter que quatre hockeyeurs Tricolores ont été également draftés en NHL, à savoir Yorick Treille, Thimothé Bozon, Cristobal Huet et Alexandre Texier.
 
Par ailleurs, après l’arrêt Bosman, plusieurs hockeyeurs français ont réussi à évoluer également en tant que renforts dans divers championnats étrangers comme en Finlande, en Suède, en Suisse, au Danemark, en Slovaquie ou encore en Allemagne. Sans parler de la ligue de la KHL où ont été recrutés comme renforts français Damien Fleury, Charles Bertrand, Yohann Autivu puis surtout Stéphane Da Costa ! Dans les deux cas, qui l’aurait cru il y a quelques années ?
Par ailleurs, nos meilleures hockeyeuses féminines ont signé elles-aussi des contrats avec des clubs étrangers, surtout au Canada et aux Etats-Unis. Dans ce bilan il ne faut pas oublier d’ajouter la création en France d’un quota pour limiter les renforts étrangers et la présence obligatoire des joueurs formés localement (JFL) dans nos divers championnats pour tenter de faire de la place à nos représentants.

Bilan négatif
 
Après ce résumé rapide - qui n’est pas exhaustif - des principaux événements majeurs que je comptabilise dans le tableau créditeur de notre sport favori, passons maintenant à la liste, là encore incomplète mais assez synthétique, qui résume les événements malheureusement beaucoup moins flatteurs à inscrire à mon avis dans le bilan négatif du hockey sur glace français depuis plusieurs décennies.
 
Il y a eu en premier lieu l’occasion manquée du Palais Omnisports de Paris-Bercy en 1984 car ce nouveau stade devait devenir la « Vitrine » du hockey français et ce fut un échec pour les Français Volants rapidement privés de la grande patinoire de Bercy. Il faut ajouter l’absence aussi de retombées significatives pour notre discipline lors des Jeux olympiques malgré une participation de l’équipe de France à cinq tournois successifs : d’abord à Calgary (1988), puis Albertville (1992), Lillehammer (1994), Nagano (1998) et enfin Salt Lake City (2002). Un coup de projecteur qui retomba à chaque fois comme un soufflé après ces J.O. se résumant à une présence ponctuelle et très éphémère du hockey dans les médias.
 
Entre-temps, il y a eu aussi l’échec de la Ligue Elite professionnelle qui a duré seulement quatre saisons entre 1997 et 2000. Par ailleurs, dans le championnat élite, rebaptisé plus tard Ligue Magnus, pas moins de cinq champions de France ont été mis en liquidation judiciaire ou ont échappé de peu à la faillite juste après avoir fêté leurs sacres. Ce fut le cas du club du Mont-Blanc en 1989, Grenoble en 1991, Rouen en 1996, Reims en 2002 et Mulhouse en 2005. Sans parler du club d’Amiens qui profita d’un subterfuge en 1990 pour rester dans le championnat élite après avoir pourtant fait faillite et changé de nom ! Plus récemment, certains ont été contraints en revanche de déclarer forfait et se sont donc retirés du championnat élite comme Dijon en 2017, Epinal en 2018 puis Lyon en 2019.
 
On peut également regretter la promotion minimaliste de la victoire de Cristobal Huet dans les médias qui a pourtant remporté la Coupe Stanley avec Chicago en 2010. Sous prétexte qu’il n’était pas titulaire pendant les play-offs, certains ont fait la fine bouche après cet événement pourtant unique qui s’est presque résumé à une photo de Cristobal un peu esseulé brandissant la Coupe Stanley sur le parvis du Trocadéro face à la Tour Eiffel au petit matin et une cérémonie entre amis, certes très chaleureuse, dans la patinoire de Grenoble. Une tournée promotionnelle n’a cependant pas été assez mise en valeur à mon avis.
 
Et que dire des retombées décevantes des championnats du monde 2017 organisé à Paris ? En toute objectivité, alors qu’on mettait beaucoup d’espoirs sur l’impact de cet événement, on ne peut pas affirmer que ce tournoi pourtant majeur, coorganisé avec l’Allemagne, ait suscité un véritable engouement en France ! De plus, il s’est achevé avec un surcoût important (en partie non imputable à la FFHG), avec un déficit de 800 000 euros à cause notamment de nouvelles contraintes sécuritaires imposées au dernier moment à cause des attentats et d’une période électorale. Lors de ce Mondial à domicile très attendu, le hockey sur glace français a incontestablement manqué une fois encore une occasion unique de bénéficier d’une belle promotion et de marquer durablement les esprits.
 
Pour preuve, par la suite, les médias n’ont pas suivi. La chaîne L’Equipe TV fut incapable d’honorer son contrat en refusant de diffuser la finale 2019 du championnat de France et l’exposition du hockey français se cantonne désormais à la presse locale, avec des articles parcimonieux dans le journal sportif l’Equipe et par le réseau Fanseat qui, comme son nom l’indique, satisfait uniquement les amateurs du hockey dans des conditions techniques insatisfaisantes. Il faut ajouter aussi les retransmissions, certes sympathiques, mais trop confidentielles diffusées par la chaîne du CNOSF « Sports en France ».
 
Pour achever de « tourner la crosse dans la plaie », j’ajoute que l’année 2019 a été triste pour le hockey français avec, après 12 ans de présence dans l’élite, la relégation de l’équipe de France masculine en Division 1 lors du Mondial de Kosice en Slovaquie. Personne n’a oublié la défaite inexcusable contre la Grande-Bretagne (4-3) après avoir mené 3-0 dans la deuxième période !
Sans parler de la relégation de l’équipe de France féminine de l’élite internationale lors des championnats du monde organisés à Espoo en Finlande et de la descente de l’équipe de France juniors masculine U20 à Füssen. Enfin, cela fait maintenant 20 ans que la France ne participe plus aux Jeux olympiques puisqu’au mois d’août 2021 les Tricolores ont à nouveau échoué lors du tournoi qualificatif en Lettonie.
 
Je termine ce bilan négatif par un problème récurrent dans la formation de nos hockeyeurs juniors qui a certes progressée ces dernières années mais trop lentement par rapport à des pays limitrophes comme l’Allemagne ou la Suisse qui ont réussi récemment à avoir des premiers choix lors des drafts de la NHL. Cette différence démontre la distance qui nous sépare encore de ces nations. L’obligation des alliances entre les clubs français, notamment de montagne, pour être capables de former des équipes élites en championnat est une preuve supplémentaire.
Il y a également le problème de l’arbitrage. Car, malgré la passion et la bonne volonté de nos arbitres, là encore il y a un problème de formation qui persiste autant en nombre qu’en qualité. Je rappelle que le dernier arbitre français à avoir été « Head » aux Jeux olympiques, puis aux championnats du monde élite, fut Eric Malletroit en 1992 à Albertville et en 1993 à Munich. Il y a donc presque trente ans ! Sans parler du nombre de plus en plus restreint de désignations internationales pour nos représentants.

CONCLUSION
 
Bref, comme le démontre ces deux bilans très succincts, il y a eu quand même de nombreuses choses très positives dans le parcours effectué par le hockey sur glace en France puisque je les souligne dans les sept premiers paragraphes ! Malheureusement, sans être masochiste, il faut avoir assez de lucidité pour admettre qu’il y a eu également depuis des années une série de plusieurs échecs imputables à une politique mal adaptée aux circonstances de nos dirigeants successifs. Et ce, malgré la volonté affichée depuis 2004 par Luc Tardif et ses dirigeants nationaux qui avaient désormais l’entière liberté d’action pour restructurer le hockey français et le faire sortir de l’ornière.
 
En conclusion, il y a eu dans le passé des erreurs dans la gestion et les prises de décision à différents niveaux qui se sont accumulées au fil des décennies à cause d’un trop grand attentisme, d’une absence de politique vraiment volontariste à long terme, d’un manque de remise en cause et d’imagination. Cette série de déboires - qui ne doit pas faire oublier les nombreuses réussites - ont malheureusement ralenti fortement la progression du hockey sur glace en France. Au point qu’il se trouve désormais, comme je l’ai dit dans ma Tribune Libre précédente, à la croisée des chemins avec un choix déterminant à faire très rapidement pour ne pas rester un sport « exotique ». Les membres du nouveau Comité directeur, qui seront élus au mois de juin prochain, sauront-ils capables de faire le bon choix entre le maintien du statu quo ou le changement de stratégie ? Je croise les doigts…
 

 


Depuis plus de quarante ans Tristan Alric a été l’acteur et le témoin privilégié de l’évolution du hockey sur glace en France. D’abord comme joueur puis comme arbitre. Ensuite, en devenant le journaliste spécialiste du hockey sur glace dans le quotidien sportif L’Equipe pendant plus de vingt ans. Auteur de nombreux livres et d’une récente encyclopédie qui font référence, Tristan Alric a marqué également l’histoire du hockey français en étant le créateur de la Coupe Magnus et des divers trophées individuels. Avec un tel parcours, il est donc bien placé pour avoir une analyse pertinente sur notre sport favori. Le site Hockey Hebdo est donc heureux de lui permettre de s’exprimer régulièrement dans cette rubrique.
 

 

 
 
Lieu : Média Sports LoisirsChroniqueur : Tristan Alric
Posté par Christian Simon le 01/10/2021 à 11:30
 
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