L’HISTOIRE INOUBLIABLE DE PATRICK SAWYERR
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A la fin du mois de juillet dernier, le club de Tours a publié un communiqué que l’on redoutait depuis quelques temps. En pleine période estivale, il annonçait que le hockey sur glace tourangeau « venait de perdre un géant ». Le terme fort employé n’était pas exagéré puisqu’il s’agissait du décès de
Patrick Sawyerr, à l’âge de 77 ans, qui fut sa grande vedette et l’un des piliers fondateurs de son histoire.
Le sympathique « Pat », vient donc de nous jouer cette fois un mauvais tour laissant inconsolables non seulement son épouse Joan, sa fille Jessica et son fils Martyn, mais aussi ses très nombreux amis. Si cette disparition mérite un hommage particulier dans cette tribune, c’est parce je tiens à rappeler que Patrick Sawyerr fut non seulement un acteur majeur des anciens « Mammouths » de Tours, mais également un personnage important dans l’histoire du hockey sur glace français.
Si l’ancien célèbre numéro 4 (en hommage à Bobby Orr qui était son idole) nous a quitté dans une relative discrétion pendant les vacances, sa disparition a suscité malgré tout beaucoup de réactions sur les réseaux sociaux, notamment parmi les anciens qui se sont fait l’écho de ce triste événement bien au-delà des donjons des nouveaux « Remparts » de Tours.
Si je tiens à évoquer sa mémoire aujourd’hui, c’est pour lui rendre un hommage public plus large car il faut savoir que tout au long de sa carrière, comme joueur puis entraîneur, Patrick Sawyerr a écrit l’histoire de notre sport favori en laissant des souvenirs inoubliables dans les sept clubs différents où il a évolué : l’US Métro à Paris, Viry-Châtillon, Poitiers, Tours, Nantes, Valence et enfin Charleville-Mézières.
Patrick Sawyerr, qui était un baroudeur « haut en couleur », au sens propre comme au sens figuré, avait comme on va le voir plus qu’un Tours dans son sac de hockey avant de prendre définitivement une retraite bien méritée dans la ville d'Indre-et-Loire.
SON PÈRE ÉTAIT UN CÉLÈBRE BOXEUR AFRICAIN
Patrick Sawyerr est né en 1947 à Granville en Normandie, à cinquante kilomètres du Mont-Saint-Michel. Il était le fils métissé d’un boxeur professionnel,
Henry Abraham Sawyerr, venu de Conakry capitale de la Guinée et d’une mère qui s’appelait
Rose Marie Franchi, née à Crocicchia en Haute-Corse. Un mélange ethnique très étonnant qui fut souvent « détonant » sur la glace comme ses anciens coéquipiers ont pu s’en rendre compte à maintes reprises.
Pour l’anecdote, pendant une carrière pugilistique très honorable qui dura 24 ans (de 1923 à 1947), son père Henry, sacré deux fois champion de France de la catégorie poids léger, a vécu un grand événement sportif puisqu’il a eu l’occasion de combattre contre le célèbre champion du monde panaméen Al Brown.
Or, sur le ring, le père de Patrick Sawyerr se faisait appeler par le pseudonyme
Henry Soya pour ne pas qu'on écorche la prononciation de son véritable nom d’origine africaine autochtone. En effet, si son fils Patrick, pendant toute sa carrière de joueur de hockey, fut appelé phonétiquement « Savière », ce dernier expliqua sans en faire une obligation qu’il aurait préféré que l’on prononce correctement son nom aborigène à savoir « Soyeur » en mémoire de son père.
LE PREMIER INTERNATIONAL MÉTIS FRANÇAIS
Quand on lui posa un jour la question de savoir si le fait d'être un joueur noir était compliqué, Patrick Sawyerr répondit : « J'ai tout entendu sur et autour de la glace. Mais c'était déjà avant de jouer au hockey. A l'école, ça se réglait à la récré. Et sur la glace ça finissait quelques fois en baston ! Je me souviens d'une anecdote. En 1966, on avait fait un stage avec l'équipe de France au Canada et tous les médias voulaient m'interviewer parce qu'ils n'avaient encore jamais vu un hockeyeur noir ! »
En fait, il faut savoir que c’est Willie O’Ree qui fut le premier joueur de couleur à avoir disputé une rencontre de NHL. C’était le 18 janvier 1958 au Forum de Montréal lors d’un match opposant les Canadiens et les Bruins de Boston.
Concernant le hockey sur glace français, on peut citer plusieurs exemples de joueurs de couleurs qui sont devenus célèbres dans nos patinoires comme les frères Marc et Serge Djelloul, les frères Antoine et Eric Mindjimba, Charles Thillien, Gilbert Lepregassin, ou plus récemment Peter Valier qui vient de quitter Angers en Ligue Magnus pour aller jouer à Lyon en Division 1 mais le plus célèbre de tous est
Pierre-Edouard Bellemare qui vient de prolonger son contrat avec le club suisse d’Ajoie afin de préparer les prochains JO d’hiver de 2026 en Italie.
IL A SU SE FAIRE RESPECTER SUR LA GLACE

Au sujet de ses origines africaine qui avait fait de lui un joueur exotique, Patrick Sawyerr raconta : « À l’époque, il n’y avait pas de blacks dans le hockey français. Du coup, sur la glace, lorsque ça chauffait, il y avait parfois des insultes que l’on qualifierait de racistes aujourd’hui mais sincèrement, j’ai appris à vivre avec. C’était surtout curieux lorsque l’on partait jouer à l’étranger dans les pays de l’est avec l’équipe de France. Là-bas, ils me voyaient carrément comme un martien. Dans ma jeunesse, c’était une époque pendant laquelle celui qui était fort, on l’appelait « gros », concernant le noir, c’était « le négro », mais on réglait les comptes à la récré ! »
Celui qui reste le premier Français de couleur du championnat de France n’a jamais perçu de réelle discrimination mais il a tout de même vécu de rares situations qui lui offraient de régler parfois ses comptes « en toute intimité et sans douceur » comme me l’a confié avec amusement son ancien coéquipier
Patrice Pourtanel.
( Ci contre : Patrice Pourtanel et Patrick Sawyerr à l’US Métro)
Ce fut notamment le cas un jour sur la patinoire de Gap alors qu’il jouait encore dans l’équipe de Viry-Châtillon. L’arbitre n’a rien vu ni entendu, mais son adversaire gapençais a regretté amèrement de l’avoir provoqué et de lui avoir rappelé avec un peu trop d’insistance ses origines.
Son ami, l’ancien joueur de Tours
Philippe Quinsac, m’a raconté de son côté : « Beaucoup de joueurs savaient le faire sortir de ses gongs, mais il se faisait respecter car il était très fort physiquement. C’était un véritable « Tyson » sur la glace ! Il était lourd, compact et assez volumineux. Du coup, à chaque fois qu’il répondait avec brutalité, il s’en voulait car il était très respectueux. Patrick était un joueur imposant qui était en fait adorable mais il faut souligner aussi qu’il était un bon buteur. »
SON COMPORTEMENT A VITE FAIT DE LUI UN ESPOIR TRICOLORE
Alors qu’il jouait dans son premier club L’US Métro (de 1962 à 1971), une équipe corporative parisienne qui était basée dans la patinoire « fédérale » de Boulogne-Billancourt, Patrick Sawyerr montra très vite de grandes dispositions pour le hockey comme joueur d’attaque avant de passer en défense. Du coup, il devint le grand espoir du club en compagnie sur sa ligne de Patrice Pourtanel, son alter ego en attaque et Serge Kaufmann. Une passion dévorante : « Il m'arrivait de jouer quatre matchs en un week-end ! Avec les cadets, les juniors, les seniors, confia-t-il. Plus rien d'autre ne comptait, et comme on n'avait pas trop de moyens dans la famille, j'ai arrêté l'école pour travailler dans le dessin industriel pour payer mon équipement ». Quand on aime, on ne compte pas. Le jeune Patrick Sawyerr était un véritable stakhanoviste toujours prêt à monter sur la glace.
Son enthousiasme et son obstination finirent par payer puisqu’il fut rapidement sélectionné dans l’équipe de France senior. Malheureusement, Patrick Sawyerr devait connaître, à cette époque, la plus grande désillusion de sa carrière sportive.
Patrice Pourtanel raconte : « Je n’ai pas été surpris de sa progression et de sa sélection rapide en équipe de France car nous avons joué ensemble dès la catégorie des cadets qui concernait les moins de 16 ans à l’époque. Patrick était mon ailier droit et c’était un équipier solide avec un bon lancer. Mais avant tout, c’était un gagneur très fort mentalement qui savait communiquer sa hargne et son mordant aux autres. C’est son caractère volontariste qu’il a d’ailleurs communiqué par la suite aux équipes qu’il a entraîné notamment celle de Tours qui a révolutionné le hockey. Pour lui, la défaite n’était pas envisageable. »
SA PLUS GRANDE FRUSTRATION : LES JO DE GRENOBLE EN 1968
En effet, lors des Jeux olympiques d’hiver organisés à Grenoble en 1968 plusieurs hockeyeurs tricolores qui rêvaient de cet événement planétaire se sentirent floués. Ce fut notamment le cas de Patrick Sawyerr qui raconta l’anecdote à plusieurs reprises avec une émotion palpable dans la voix trahissant une frustration toujours aussi vivace malgré les années.
« A l’époque, j’étais le plus jeune de l’équipe de France avec Alain Mazza, Bernard Cabanis, Olivier Prechac et Jacques Boucher. On avait tous vingt ans. Du coup, j’avais participé à toutes les présélections. Comme
Pete Laliberté, l’entraîneur national, me convoquait régulièrement, j’étais très confiant. Or, quelques jours seulement avant que la sélection tricolore ne s’installe dans le village olympique de Grenoble, tous les joueurs ont été appelés au siège de la Fédération à Boulogne-Billancourt pour recevoir leurs tenues officielles. A ma grande surprise il n'y en avait pas pour moi. C’est là que l’on m’a dit que je n’étais plus que le premier remplaçant éventuel car ma place avait été prise par Philippe Lacarrière qui était âgé de 30 ans. C’est le Colonel Crespin, directeur des sports au ministère des sports, qui voulait un « adulte » plus expérimenté pour consolider la sélection. Pourtant, d’après le discours officiel, il ne devait y avoir dans l’équipe de France olympique de hockey que des jeunes
de moins de 25 ans. Je n’ai jamais osé imaginer que c’était de la discrimination car Philippe Lacarrière, capitaine de l’équipe jusqu’en 1967, n’avait rien demandé. Mais c’était malgré tout quelqu’un de la « famille » dont je ne faisais pas partie et je suis resté à la maison. J’étais complètement dégoûté, à tel point que j’ai failli arrêter. Finalement, j’ai dû attendre le Mondial de 1970 à Galati en Roumanie pour devenir enfin titulaire de l’équipe de France. Croyez-moi, sur le coup, j’étais écœuré de ne pas pouvoir disputer les Jeux olympiques organisés par mon pays. »
On notera qu’à défaut de jouer, Patrick Sawyerr fut embauché pendant la quinzaine olympique de Grenoble dans le service technique du stade de glace. Tout comme Alain Bozon (âgé de 29 ans) qui eut comme autre « lot de consolation » le droit de suivre de près les matches du tournoi olympique de Grenoble comme juge de but…
Cristobal Huet et Patrick Sawyerr deux légendes du hockey sur glace français
UN PASSAGE À POITIERS AVANT DE DEVENIR UNE VEDETTE
Malgré cette déconvenue Patrick Sawyerr a totalisé 27 sélections avec l'Équipe de France jusqu’en 1970. L’année suivante le club de L’US Métro profita de l’ouverture de la patinoire de Viry-Châtillon pour venir s’y installer à demeure et devenir l'OHC Paris-Viry. Patrick Sawyerr porta alors les couleurs jaunes et vertes du nouveau club de l’Essonne et le maillot numéro 4 avec lequel il deviendra vice-champion de France de la Première série (Ligue Magnus aujourd’hui).
Mais, lors de la saison 1972-73, Patrick Sawyerr prit la direction de
Poitiers où il devint joueur et entraîneur du hockey mineur. Cette année-là, il effectua une tournée de trois semaines au Canada avec cinq autres stagiaires français (Michel Abravanel d’Amiens, Maurice Chappot de Saint-Gervais, Christian Lamarre de Compiègne, Alain Letellier de Dijon et Thierry Monier de Paris) dans le but d’obtenir un grade d’entraîneur fédéral. A cette occasion, les futurs coachs français visitèrent des équipes juniors et universitaires.
Comme Patrick Sawyerr le confia à Sylvain Taillandier, le fidèle journaliste de la Nouvelle République fan de hockey : « J'en avais marre de la vie parisienne. C’est pour cette raison que je ne suis pas resté longtemps à Viry. J'ai joué un match contre une équipe hongroise à Poitiers et le président du club local, Jean Tireau, propriétaire de la patinoire, voulait monter une équipe et il avait obtenu de la fédération de pouvoir engager le club directement en première division. Il me proposait un salaire, et j'entraînais les gamins. C'était parfait. »
UNE ARRIVÉE À TOURS QUI FUT DÉTERMINANTE
Au début de l’année 1973, les joueurs poitevins furent malheureusement privés de patinoire. « Il y avait d'importants problèmes financiers à Poitiers, la patinoire a fermé et je me retrouvais sans club, me raconta le regretté Patrick. J'avais participé avec une équipe parisienne à l'inauguration de la patinoire de Tours et
Albert Pasquier, qui était l’ancien directeur des abattoirs de porcs de la ville (NDLR : devenu ensuite gérant du magasin de sports CCM), m'a contacté. Pour faire un peu d’humour par rapport à son ancien métier, j’ai compris qu’avec lui ça allait aussi saigner sur la glace de cette ville ! »
Patrick Sawyerr, Jean-Paul Sandillon, Daniel Richard et cinq autres joueurs ont donc décidé de prendre la route de Tours où un tout nouveau club a été créé en 1972.
Sylvain Taillandier, qui fait partie désormais du staff du club des Remparts de Tours en charge de la communication, de la billetterie et du partenariat, avait expliqué dans son ancien article publié dans le journal local La Nouvelle République : « Patrick Sawyerr devint la première recrue du président Albert Pasquier, car c'est avec lui comme entraîneur que l'ASG Tours va gravir tous les échelons, de la Nationale C à la Nationale A. Cette période verra en parallèle l'éclosion de jeunes hockeyeurs tourangeaux très talentueux. « C'est Patrick Sawyerr qui m'a fait aimer le hockey, qui m'a lancé » avoue encore aujourd'hui
Yvon Bourgaut. Car, à peine arrivé, Patrick Sawyerr a pris les commandes de l'entraînement, communiquant enthousiasme, expérience et rigueur, qui allaient forger l'ascension de l'ASG Tours. »
Entraîneur de Tours de 1973 à 1977, puis à nouveau de 1982 à 1984, Patrick Sawyerr a donc laissé durant toute cette période une marque indélébile dans l’histoire du club local en faisant progresser sous sa direction l’équipe sénior jusqu’au sommet à savoir la
Nationale A qui est devenue la Ligue Magnus aujourd’hui. Le club de Tours sera ainsi sacré d’abord champion de France de la Nationale C en 1974-75 avec Patrick Sawyerr non seulement comme entraîneur-joueur mais aussi avec le rôle de meilleur compteur (40 points).
En 1975-76 il repartit sur les chapeaux de roue avec de l'ambition à revendre. Patrick Sawyerr fut toujours aux commandes sur la glace avec l'emblématique international Jean-Claude Sozzi dans les buts. Resté attaquant, il fut une nouvelle fois le meilleur compteur et l’équipe de Tours remporta la saison régulière de la Nationale B.
L’APOGÉE DE SA CARRIÈRE : LE TITRE DE CHAMPION EN 1980
Au mois de septembre 1977 se déroula le plus grand événement de sa carrière. En effet, le club du président Pasquier, composé de jeunes joueurs tourangeaux et d'un entraîneur hors-pair en la personne de Patrick Sawyerr, venait de gagner enfin le droit d’évoluer dans le plus haut niveau du hockey français qui était l’équivalent de la Ligue Magnus aujourd’hui.
Après avoir aidé le club de Tours en entrer dans la cour des grands, Patrick Sawyerr, dans sa trentième année, voulut redevenir uniquement joueur et il put ainsi se concentrer totalement sur son propre jeu avec une nouvelle appétence pour un rôle défensif dans lequel « il annonçait la couleur » avec son jeu imposant et parfois viril.
« Quand le Canadien Michel Lussier, le frère de Jean, qui était venu nous renforcer, est devenu entraîneur des « Mammouths » pour me remplacer en 1977, alors qu'on venait de s'offrir la montée, moi, je me suis occupé des gamins et ça me plaisait beaucoup », confia Patrick Sawyerr qui en fera une reconversion très appréciée de tous.
Au premier rang, de gauche à droite : Malletroit, Fidler, Del Monaco, Sprincl (coach), Sawyerr, Galiay, Thillien.
Deuxième rang : Sandillon, Partouche, Peloffy, A. Pasquier (Président), Lussier, Bourgeais (vice-président), Blanchet, Aldrich, Fazilleau.
Troisième rang : Quinsac, J.Y. Decock, De Saint-Germain, Stinco, Bonnarme, Bourgaut, C. Pasquier, P. Decock.
Puis arriva cette fameuse saison historique de 1979-1980 qui lança le professionnalisme dans le hockey sur glace français. L’équipe tourangelle, entraînée par le tchèque Adolf Sprincl, était composée d’un nombre impressionnant de vedettes : André Peloffy, Joe Fidler, Guy Galiay, Jean Stinco,
Patrick Sawyerr, Michel Lussier, les frères Phillipe et Jean-Yves Decock, Patrick Aldrich, Bernard Bonnarme, Philippe Quinsac, Christophe Pasquier, Alain Blanchet, Yvon Bourgaut, le capitaine Pascal Del Monaco, Frank Fazilleau ou encore les gardiens Charly Thillien, Patrick Partouche et Frédéric Malletroit.
Bref, que du lourd ! Je vous conseille de découvrir ou de relire l’histoire détaillée de cette épopée du club de Tours que j’ai déjà raconté dans mon ancienne
Tribune numéro 16 intitulée « Tours a lancé le hockey pro en France ! »
Patrick Sawyerr confia également : « Avec le trio Peloffy-Fiedler-Stinco notre ligne d'attaque était magique. Mais je me sentais déjà moins dans mon élément. » Son ancien coéquipier
Guy Galiay (qui vient de rejoindre le club de Nice pour aider à la formation du hockey mineur) se souvient : « Patrick avait beaucoup de potentiel physique et un très bon lancer. On pouvait compter sur lui car il était très généreux sur la glace mais aussi en dehors. L’annonce de son décès m’a beaucoup marqué. »
UN SACRE QUI N’A PAS EU LA SAVEUR ATTENDUE
Bien que peu utilisé par l'entraîneur Sprincl, le regretté « Pat » toucha enfin son Graal pour lequel il avait entraîné et guidé toute une génération depuis 1973 afin de remporter le titre suprême. Pourtant, sans concession, Patrick Sawyerr tira son propre bilan un peu moins enthousiaste en déclarant : « Tours a été la première ville de plaine à commencer à faire parler d’elle. Mais la saison 1979-1980 n’est pas celle qui m’a laissé finalement le meilleur souvenir. L’état d’esprit était un peu particulier car nous étions au début du professionnalisme et cette expérience s'achète à prix fort. A cause des gros contrats qui rendaient jaloux et agressifs tous les autres clubs, les rapports humains avaient un peu perdu de leur spontanéité. »
Toutefois, lors de l’arrivée du nouvel entraîneur
Richard Jamieson, l’ex-international n’avait toujours pas raccroché ses patins. « J'étais cuit car je bossais en même temps dans l’entreprise de Papiers Peints du nouveau président Henri Bourgeais. Mais le coach a voulu me remettre en forme, je devais faire 500 pompes par entraînement… »
Très affecté après l’annonce du décès de Patrick Sawyerr, son ancien coach Richard Jameison me confia récemment au sujet de cette anecdote : « C’est certainement un peu exagéré ce que Patrick t’a raconté, mais il était un vrai bosseur toujours très respectueux avec tout le monde. Ce fut un honneur pour moi d’avoir été son entraîneur même si ce fut assez brièvement. D’ailleurs, j’ai tenu à assister à ses obsèques. »
Sous les ordres du coach canadien qui a pris désormais sa retraite à Angers, Patrick Sawyerr prouva qu’il avait encore de beaux restes en confiant : « J'ai joué encore une saison car on disputait la coupe d'Europe. D'ailleurs, je garde une fierté particulière de mon but à Mannheim en Allemagne devant plus de 5000 spectateurs. J'en ai pris plein les yeux ce soir-là. » En effet, ce match, qui se déroula dans l’ancienne patinoire du stade de Friedrichspark, fut un moment qui restera gravé à jamais dans sa mémoire.
PATRICK SAWYERR VOULAIT TRANSMETTRE SON SAVOIR
De 1986 à 1991, Patrick Sawyerr décida de faire profiter de sa grande expérience en devenant l’entraîneur-joueur du club de
Nantes. « Je suis resté cinq ans à Nantes et c'était top. On n'avait pas beaucoup de moyens, mais j'aimais travailler avec des joueurs formés sur place » dira-t-il. C’est sous sa direction que le club de Nantes fut promu en Nationale 1 l’équivalent de la Ligue Magnus aujourd’hui. Ensuite, ce sera au tour du club de
Valence de profiter du savoir du sympathique « Pat » mais pour une courte période et uniquement comme entraîneur.
« Pour moi, cette unique saison à Valence avait été difficile pour ne pas dire invivable, raconta Patrick Sawyerr. A chaque match c’était la corrida. Les joueurs étaient certes sympas, mais ils n’avaient aucune discipline. Chacun faisait un peu ce qu’il voulait. Certains ne venaient même pas aux entraînements ! Bref, c’était le folklore… De plus, en hiver les conditions étaient terribles à cause des côtés de la patinoire qui étaient ouverts au grand vent. Aussi, comme j’ai eu une opportunité de partir à Charleville-Mézières, je n’ai pas hésité une seconde… »
Après un court séjour dans la Drôme Patrick prit donc une direction plus au nord dans les Ardennes où il deviendra l’entraîneur du club de
Charleville-Mézières jusqu’en 2004. « A Charleville, on m'avait parlé d'un club jeune et ambitieux. Ce qui n'était exact que pour le premier adjectif. Des débutants oui, un grand projet non. Mais je devais nourrir ma famille, alors je suis resté quand même douze ans avant de rentrer définitivement sur Tours. C’est à cette époque que ma fille
Jessica, qui a joué également au hockey sur glace, a été sélectionnée en équipe de France féminine. »
Cette dernière, qui disputa effectivement quatre championnats du monde féminins, a confié lors d’une interview : « J'ai passé beaucoup de temps dans les patinoires, à suivre mon père. J'ai donc appris à patiner très jeune. Cela me démangeait de jouer au hockey mais je n'en parlais jamais à mon père parce que je n'osais pas. J'ai commencé à dix ans. Mon père m'a beaucoup conseillé. C'était quelqu'un de très dur mais de très juste aussi. Je l'admirais énormément. »
A noter que son frère
Martyn fut également joueur de hockey sur glace pendant son adolescence avant de mettre un terme à la tradition sportive familiale puisqu’il préféra ranger ses patins pour continuer ses études à l’école des Beaux-arts.
A l’annonce de son décès, un hockeyeur des Ardennes, Thomélie Istace, confia sur Facebook : « Patrick Sawyerr restera à jamais pour moi un personnage inoubliable car il a profondément marqué mes débuts au hockey avec les Sangliers de Charleville-Mézières. J’avais 12 ans et son enseignement était fort, exigeant, mais toujours juste. À un moment où j’avais envie de tout arrêter, c’est en grande partie grâce à lui que je suis resté sur la glace. Je me souviens encore de la force presque brutale de son enseignement. À cet âge-là, c’était dur, parfois trop dur au point que j’ai voulu abandonner le hockey. Ma mère m’a dit : « Si tu veux arrêter, tu iras lui dire en face. » Mais en le regardant dans les yeux, il m’a convaincu de continuer mon parcours sur la glace. Aujourd’hui, plus de 25 ans plus tard, je joue encore et je mets en pratique ce qu’il m’a transmis. Merci pour tout coach. »
UNE RETRAITE TOUJOURS PROCHE DE LA PATINOIRE
Une fois revenu à Tours, on lui demanda à quoi ressemblait sa retraite. Il répondit : « J'adore la musique, c’est mon autre passion, surtout le blues, j'ai une collection de CD sur un mur à la maison. J’ai aussi des films principalement du cinéma français. » Mais, l’ex-international n’avait pas abandonné bien sûr le hockey sur glace, la grande affaire de sa vie, en suivant notamment très régulièrement les résultats des Canadiens de Montréal dans la NHL qui était son club favori.
A la suite de son décès, sur le site internet des « Remparts » on pouvait lire au sujet de Patrick Sawyerr : « A la patinoire de Tours, où il ne ratait que très rarement des matchs avant que sa santé ne l’en éloigne, il s’installait à côté de la tribune de presse avec ses amis du hockey. Son regard était encore bien vif et la pertinence de ses analyses ne trompait pas sur sa science du hockey. »
En effet, revenu en Indre-et-Loire, il était encore très souvent présent à la patinoire pour encourager les « Diables Noirs » puis les « Remparts », avec cette place attitrée au plein centre de la grande tribune, au-dessus de la sortie des vestiaires, souvent aux côtés de son ami Philippe Quinsac un ancien coéquipier de la grande époque. Sa parfaite connaissance du hockey lui a parfois donné le droit d’élire le meilleur joueur du match. Il était en effet très heureux et fier de nommer les MVP de la rencontre lorsque on lui proposait.
La FFHG avait également profité d’un match international France-Italie organisé sur la patinoire de Tours en 2012 pour lui rendre un hommage public en compagnie de son ami Pascal Del Monaco, une autre célébrité locale du hockey sur glace.
Suite au décès de Patrick cet été, les « Remparts » ont donc prévu de lui rendre hommage au début de cette saison. Car si le club de Tours a marqué l’histoire du hockey sur glace français, il le doit en grande partie à
Patrick Sawyerr qui fut l'un de ses pionniers et celui qui a permis au club d’atteindre le sommet de notre sport.
Si Patrick vient d’achever en plein été son dernier « Tours de piste » qui nous a rendu bien triste, fort heureusement son héritage restera éternel grâce à son histoire inoubliable pendant laquelle j’ai eu quelquefois la grande chance de le côtoyer. Merci « Pat » pour m’avoir fait rêver en couleur comme tant d’autres.