L’HOMME QUI A « L’OREILLE » DES HOCKEYEURS
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Comme je l’ai expliqué dans ma tribune précédente, le nouveau DTN
Antoine François, venu du hockey sur gazon, est chargé désormais de coordonner les opérations sportives stratégiques au sein de la Fédération Française de Hockey sur Glace. Souhaitons-lui beaucoup de courage car, comme je l’ai dit dans le titre de mon dernier article, compte-tenu du contexte sportif actuel qui est assez difficile, notre nouveau directeur technique national vient d’hériter d’un sacré défi !
Pour mener à bien le nouveau Plan National de Développement (PND) initié par la FFHG, nos dirigeants fédéraux n’ont désormais plus d’autre choix que de mobiliser non seulement toutes les forces vives qui sont à leur disposition dans notre discipline, mais en sortant également des sentiers battus pour utiliser de nouvelles méthodes innovantes concernant notamment l’équipe de France.
C’est dans ce but qu’à l’occasion du camp préolympique qui fut organisé par le CNOSF, à la fin du mois de mai dernier à Giens près de Hyères, un spécialiste de la préparation mentale, qui s’appelle
Laurent Sauriat, avait été invité afin de faire une intervention de motivation qui fut très remarquée. D’après les participants, ce fut un « happening » marquant lors de cet événement qui a réuni plus de 200 athlètes issus des différentes disciplines olympiques d’hiver.
UN NOUVEAU « MENTALISTE » POUR LES TRICOLORES ?
En effet, Laurent Sauriat, un ancien militaire âgé de 57 ans, devenu désormais accompagnant mental et sophrologue, est non seulement un communicant hors pair, mais surtout un grand expert de la Technique d’Optimisation du Potentiel que l’on dénomme plus couramment avec l’acronyme « TOP ». Après avoir servi pendant 25 ans au cœur des armées, Il a voulu transmettre son savoir-faire en devenant le fondateur d’une société qu’il a baptisé « Top Consulting ».
Pour l’anecdote, si Laurent Sauriat est intervenu lors du regroupement préolympique du CNOSF à Giens, c’est grâce à l’entremise de l’ex-pilote de chasse Eric Muchery qui était l’ancien DTN adjoint de la FFHG. Avant son départ, ce dernier a pu laisser ainsi une trace, certes éphémère, mais très judicieuse dans le ciel bleu de l’équipe de France de hockey sur glace puisque c’est lui qui avait proposé d’inviter ce grand expert de la technique d’optimisation du potentiel. De toute évidence l’intervention très innovante de Laurent Sauriat a immédiatement séduit son auditoire et a surtout permis de briser la glace avec nos hockeyeurs tricolores.
Si l’intervention de Laurent Sauriat n’a pas laissé indifférents tous les athlètes qui étaient présents l’été dernier à Giens, c’est que ce père de trois enfants, qui vit à la campagne dans le petit village de Lux à 20 kilomètres de Dijon, a énormément bourlingué dans sa vie professionnelle se forgeant ainsi une grande expérience comme le démontrent ses états de service peu communs et très impressionnants.
UN PERSONNAGE ATYPIQUE AVEC UN CV IMPRÉSSIONNANT !
Les interventions de Laurent Sauriat l’amènent en effet à travailler ponctuellement avec la patrouille de France, les forces spéciales du Commando parachutiste de l'air, le GIGN, la Royal Air Force ainsi qu’avec tous les escadrons de combat de France ! Ses multiples actions de motivation ont permis à Laurent Sauriat de créer et porter les « Techniques d’Optimisation du Potentiel » sur tous les théâtres d’entraînement ou de combats comme en Afghanistan, en Libye ou encore dans la bande Sahélo-Saharienne. Bref, cet homme atypique possède un CV impressionnant !
J’ajoute également à ce portrait déjà remarquable que Laurent Sauriat, leader des TOP au sein de l’armée de l’air, a initié environ 3000 stagiaires à ces outils d’optimisation et formé plus de 350 formateurs TOP. De plus, avant de devenir peut-être désormais le nouveau « accompagnant mental » de l’équipe de France de hockey sur glace (il préfère ce terme au mot coach), ce dernier a collaboré depuis 2005 avec de nombreux sportifs de niveau national et international comme avec ceux du club JDA basket de Dijon. Il a collaboré aussi avec le Stade Français volley féminin et en individuel avec des skieurs, des nageurs, des rugbymen, des judokas, des tennismen, des pratiquants d’équitation, des pilotes de Formule 4 et 3, et même deux joueurs de football de l’équipe de France notamment Aurélien Tchouameni. Enfin, ses « TOP » ont été mises également au service de l’équipe de France de Basket Fauteuil et de deux joueurs de l’équipe de France de Basket Ball.
Laurent Sauriat en 2016 alors qu’il était encore militaire dans l’armée de l’air
IL A TISSÉ DE VRAIS LIENS AVEC LE HOCKEY À ÉPINAL
Pour revenir à sa nouvelle collaboration avec la FFHG, qui pourrait être prolongée à l’avenir avec l’équipe de France senior masculine de hockey sur glace, elle s’est concrétisée pour la première fois au début du mois de novembre à Epinal lors de la Coupe des Nations. Laurent Sauriat confie : « A cette occasion, j’ai eu carte blanche et j’ai été immédiatement accepté par tout le monde, que ce soit les joueurs et les entraîneurs et le président Pierre-Yves Gerbeau qui m’a dit qu’il avait entièrement confiance en moi. »
Effectivement l’adhésion des Tricolores fut telle avec « l’homme qui s’est mis à murmurer à l’oreille des hockeyeurs » pendant plusieurs séances d’introspection collectives ou individuelles, que ces derniers l’ont immédiatement adopté en l’appelant plus amicalement « Lolo ». Cette familiarité prouve que le courant est donc bien passé avec nos internationaux.
Il est vrai que ce mentaliste séduit par sa manière naturelle et désarmante de parler directement aux gens car il n’est pas « un produit de la fac, mais un terrien » selon ses propres termes. Cet ancien adjudant-chef de l’armée de l’air, qui sait parfois « toucher son interlocuteur là où ça fait mal » pour essayer de le motiver, ne cesse d’apporter son aide psychologique également au sein de la SNCF, mais aussi dans les prisons ou encore dans les hôpitaux en collaboration avec les membres qui travaillent dans sa société privée.
SES INTERVENTIONS AURONT-ELLES UNE INFLUENCE À LONG TERME ?
Laurent Sauriat, qui a visiblement beaucoup apprécié son immersion totale avec l’équipe de France de hockey sur glace lors du tournoi d’Epinal, a eu l’occasion de mieux découvrir humainement nos hockeyeurs internationaux notamment lors de plusieurs séances d’après match qui furent parfois tardives car l’une dura jusqu’à presque 1 heure du matin « pour favoriser leur endormissement et la qualité de leur sommeil. Car la pression reste importante après les matches » dit-il.
Compte-tenu que la France a réussi lors du tournoi d’Epinal à remporter ses deux premiers matches contre le Danemark (3-1) puis contre la Norvège (2-0) les conseils originaux du nouveau mentaliste ont-ils eu une influence positive sur nos Tricolores ?
Voulant me faire volontairement « l’avocat du diable », j’ai fait remarquer à Laurent Sauriat que l’équipe de France a malgré tout perdu ensuite son dernier match contre la Hongrie (6-4) alors que ce pays est classé pourtant au 18e au rang mondial, soit quatre niveaux plus bas que la France au classement international.
Laurent Sauriat garde son flegme et me répond : « D’abord les deux premières victoires sont à mettre avant tout au crédit de l’entraîneur national et de ses adjoints. Maintenant, concernant la défaite contre la Hongrie, il faut prendre en compte d’abord qu’il y a eu une décompensation énergétique après les deux premières victoires. Ensuite, il ne faut pas oublier que le capitaine Pierre-Edouard Bellemare n’était plus à Epinal le samedi et que Sacha Treille et Johann Auvitu étaient restés dans les tribunes. Du coup, il y a eu un manque d’investissement du reste de l’équipe, surtout lors du premier tiers-temps car les cadres n’étaient plus sur la glace. Cette mise en route laborieuse est un problème qu’il faudra résoudre. »
Photographe © Pablo - HUBLOT Production.com
Laurent Sauriat collabore ponctuellement dans diverses disciplines sportives ou militaires pour tenter d’optimiser la performance de leurs acteurs
« LA MANIÈRE DE YORICK POUR DIRIGER LES BLEUS EST BONNE »
Quand je lui fais encore observer que l’attaquant Jordann Perret a regretté en conférence de presse la mauvaise entame des Bleus contre la Hongrie en ne respectant pas les consignes du coach, notre mentaliste, qui est encore à l’essai, en profite pour soutenir l’entraîneur national : « Vous savez, comme j’ai une culture de rugbyman et de militaire, je n’hésite pas à dire très franchement ce que je pense. Or, je peux vous dire que la manière avec laquelle Yorick Treille dirige l’équipe de France est très bonne. J’ai pu constater qu’il responsabilise ses joueurs et qu’il va chercher l’individu pour l’améliorer en termes d’interprétation et de son autonomie. Surtout, il travaille la notion collective. Yorick fait à mon avis du bon travail à long terme. Il fédère en responsabilité tous ses joueurs. Si j’en crois votre dernière tribune, il parait que certains lui reproche de ne pas être assez expressif derrière le banc. Personnellement, j’aime les gens calmes même si paradoxalement je suis plutôt « énergétique ». A Epinal, j’ai pu observer que Yorick apporte la sérénité et le calme. C’est une méthode qui payera à long terme. »
Laurent Sauriat m’a confié qu’il a été impressionné par le professionnalisme des hockeyeurs tricolores qu’il venait de découvrir dans la patinoire de Poissompré. « Ils ont bien adhéré à nos cinq séances collectives pour mémoriser les directives et les consignes des matches. J’ai pu également parler individuellement avec huit joueurs différents à Epinal et ils ont bien compris que lors des prochains Jeux olympiques à Milan, au mois de février prochain, il faudra qu’ils fassent très attention, entre-autres, à la gestion du sommeil et de la confiance en soi. Ils auront trois matches difficiles face à la Suisse, la République tchèque et le Canada. Si on fait encore appel à mes services, j’essayerai de les motiver pour qu’ils s’adaptent en fonction des divers résultats. »
LAURENT SAURIAT SERA-T-IL LA DERNIÈRE PIÈCE DU PUZZLE ?
En résumé, Yorick Treille, comme ses adjoints et ses joueurs, semble avoir validé le rôle mental complémentaire qui fut attribué provisoirement à Laurent Sauriat lors du tournoi d’Epinal. C’est le dernier élément qui manquait peut-être pour consolider le staff de l’équipe de France sénior masculine.
Comme je l’ai déjà écrit, si on analyse bien le comportement de nos joueurs lors du dernier mondial de Stockholm, qui fut erratique avec une détermination en dents de scie pendant les matches, la bataille mentale des Tricolores a connu des défaillances évidentes. Surtout lors des moments clés des rencontres notamment lors des débuts de certains premiers tiers-temps ce qui sous-entend que l’on doit impérativement modifier la préparation psychologique de nos représentants pour qu’ils retrouvent cette volonté de combat ultime sur chaque seconde passée sur la glace.
Ce sera le comportement de nos joueurs qui sera le problème central lors des prochains JO d’hiver où l’entraîneur national Yorick Treille sera aidé par quatre assistants : Yvano Zanatta son adjoint en charge à la fois de nos défenseurs, du jeu en désavantage numérique et des situations en fin de match. Mais aussi de l’expérimenté Cristobal Huet qui a un rôle « transversal » en intervenant auprès de tous. Avec également Luc Tardif junior qui devra s'occuper à la fois du jeu de puissance des Tricolores, des situations à six contre cinq en fin de match et des mises au jeu et enfin, Florian Hardy qui est chargé des gardiens de but.
En cas de validation de son nouveau rôle d’accompagnant mentaliste, Laurent Sauriat sera peut-être la dernière pièce du puzzle qui manquait dans l’encadrement de la sélection nationale.
Laurent Sauriat en 2013 lors d’un stage de préparation mentale et de cohésion avec le club de volley féminin du Stade Français.
UNE EXPÉRIENCE MENTALE DEJA UTILISÉE DANS D’AUTRES SPORTS
Laurent Sauriat conclue notre entretien en me disant : « C’est fondamental pour être en confiance que ce soit Yorick et son adjoint Yvano qui m’aient demandé de venir travailler avec eux à Epinal. On verra s’ils m’autorisent à poursuivre plus loin cette expérience que d’autres sports utilisent déjà. Quoi qu’il en soit, la première préparation mentale, elle appartient d’abord à l’athlète lui-même. C’est ensuite le coach qui pose des objectifs à l’image d’un pilote de chasse à qui on donne un plan de vol. En ce qui me concerne, je mets juste en place individuellement des stratégies d’optimisation de la performance. »
En tant que mentaliste, Laurent Sauriat est avant tout un accompagnant qui aime dire qu’il chemine aux côtés des joueurs en leur laissant la liberté de choisir où ils veulent aller. « Pour les responsabiliser, si c’est encore possible à l’avenir, je ciblerai les mécanismes de stress pendant la compétition dit-il. Mais aussi la perception des émotions des joueurs, l’important travail sur la projection positive des prochains JO puis, surtout, du futur Mondial décisif en Pologne. Enfin, j’essayerai de trouver les éventuelles croyances limitantes que pourront ressentir les internationaux lors de ces deux grands rendez-vous. Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’un travail comportemental à long terme que je viens juste d’expérimenter afin de soutenir l’effort important que représentent ces deux futurs événements. »
Si le DTN Antoine François et les dirigeants de la FFHG estiment que ce « one shot » mental à Epinal mérite d’être reconduit, alors Laurent Sauriat pourra poursuivre sa collaboration en tentant d’optimiser encore d’avantage la performance comportementale de l’équipe de France lors des prochains rendez-vous internationaux.